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C’était en 1911. Un éminent professeur de gynécologie à la Faculté de Montpellier, le docteur Puech, après lecture faite de quelques ouvrages sur ce sujet, voulut donner son opinion sur la Bête du Gévaudan. Dans une brochure de vingt-deux pages (Qu’était la bête du Gévaudan ?), publiée dans les Mémoires de la Société Académique de Montpellier, après avoir exposé toute une doctrine spéciale, il conclut : « La Bête du Gévaudan n’a jamais existé. À un animal imaginaire on a rapporté ce qui était l’œuvre : 1° de loups ; 2° de mystificateurs ; 3° et surtout d’un fou sadique » (p. 22). Il avait déjà (p. 18) émis cette opinion : « À un sadique assassin, il faut rapporter le plus grand nombre de ces morts qui, de 1764 à 1767, désolèrent le Gévaudan. »

Cette brochure fut reproduite, in extenso, par le docte journal Æsculape, et, partiellement, par diverses feuilles médicales ou autres, avec de nombreuses gravures. Sa publication devint le signal d’une formidable levée de boucliers et de plumes acérées. Il semblait que la génération actuelle allait venger les ancêtres des terreurs et de l’épouvante dont, de père en fils, se transmettait l’odieux souvenir. Hé quoi ! cette Bête n’avait même point le mérite de ses méfaits ! le mérite de justifier le sinistre renom qui lui était fait !

On le lui fit bien voir ! L’hallali fut sonné, et dans tous les journaux de Paris ou de province, les plus obscurs folliculaires se sentirent une âme de juge et vaticinèrent sans sourciller, et de façon péremptoire sur la Bête du Gévaudan.

La thèse du docteur Puech fut acceptée sans contrôle.

La Bête du Gévaudan n’a jamais existé !

C’est faire bon marché de l’intelligence et de la perspicacité des populations de deux provinces qui durant trois années consécutives ont été épouvantées par les méfaits du monstre. C’est donner une opinion bien médiocre des connaissances et des capacités des chasseurs, pourtant si réputés, qui l’ont tant de fois poursuivie.

Nous procéderons moins précipitamment, et sans parti pris, nous discuterons la thèse si tranchante du docteur Puech.

1° Qu’il y ait eu des mystificateurs et des simulateurs, on ne saurait en douter, la sottise humaine ne perd aucune occasion de se mettre au jour. Mais leur rôle, en cette occurrence,