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« Si M. Duhamel se décide à poursuivre cet animal nous croyons devoir prévenir votre Grandeur qu’il sera très-difficile de loger la troupe et cet officier dans un pays isolé et dépourvu de tout et sujet à de grands froids qui empêcheront cet officier de pouvoir faire manœuvrer sa troupe. Il y a au contraire dans les environs, des particuliers en ettat de conduire cette chasse de les même favoriser s’ils avoient des ordres pour pouvoir contraindre les habitants des villages voisins parmi lesquels il y a de très-bons tireurs. Si votre Grandeur trouve à propos de nous procurer quelque chose à cet égard, nous remplirons ses ordres avec empressement, nous donnerons connaissance de ces derniers événements à M. Duhamel, et nous n’en aprenons la confirmation et le détail que dans le moment par le curé du lieu.

« Signé, Vigier, 1er  consul. Combes, 2e consul[1]. »


Ces consuls connaissaient probablement la fable de la Fontaine, « Le Jardinier et le Grand Seigneur », ou, s’ils ne l’avaient point lue, le bon sens de l’homme pratique qu’est l’Auvergnat de Saint-Flour, leur faisait prévoir que les dragons et leurs chevaux par le surcroît de dépenses et les dégâts inévitables qui résulteraient de leur présence, occasionneraient plus de torts au pays que ne pourraient en faire plusieurs Bêtes à la fois, et qu’en somme ils trouveraient chez eux, pour se défendre, assez de bonnes volontés, assez de fusils et assez de bras pour les porter.

Les événements, comme on le verra par la suite des faits, devaient leur donner raison.

M. Duhamel, averti de la présence de la Bête, était venu sans tarder se mettre à sa poursuite. Il raconte lui-même la chasse faite et les incidents qui la marquèrent :


« À Saint-Chély, ce 24 Déc. 1764.

« M. J’ai trouvé ici, à mon retour de la chasse que je viens de faire, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. La bête féroce est bien à présent aux environs d’ici, car le 20 de ce mois elle a dévoré une fille à deux lieues d’ici : cette malheu-

  1. Archives du Puy-de-Dôme. C. 1731. Doc. inédit.