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Gévaudan, depuis le mois de juillet 1764 jusqu’en juin 1765. (Une copie faite par M. Paul Le Blanc, nous a été communiquée par M. l’abbé Lespinasse, curé de Blesle.) Ce journal porte à quarante, le nombre des victimes dévorées, à dix-huit, celui des personnes attaquées.

D’autre part, un relevé sur les registres de paroisse et sur d’autres documents, de 1765 jusqu’en septembre 1767, donne trente victimes dévorées et vingt-deux attaquées. Le total est donc d’environ cent dix personnes qui furent jugulées ou molestées par le monstre.

En outre, combien d’autres, assaillies sans résultat appréciable, ne firent aucune déclaration aux autorités locales. Un certain nombre, également, ne furent pas inscrits sur les registres, précisément parce que rien ne put être retrouvé de leurs restes pour être enseveli dans le cimetière paroissial. Et ces registres eux-mêmes, en plusieurs localités, ont été perdus, comme à Saint-Privat-du-Fau, au pied du Montmouchot, ce qui rend plus difficile encore l’établissement d’un compte exact. De sorte que ce n’est pas s’écarter beaucoup de la vérité que d’estimer entre cent vingt et cent cinquante le nombre de personnes assaillies ou mangées par ces bêtes dévorantes.

Quelques paroisses payèrent un lourd tribut. Venteuges compta huit victimes ; la Besseyre, cinq ; Grèzes quatre, et Nozeirolles d’Auvert, qui fut la plus éprouvée, nous l’avons dit, pour n’avoir, environ, que deux cents habitants, a sept noms inscrits au registre paroissial (Communic. de M. Martin, curé d’Auvert). Lorsque Jeanne Hugon, de ladite paroisse, fut attaquée par la Bête, elle avait une compagne qui fut tellement terrifiée, qu’elle se réfugia dans les rochers où ses parents la retrouvèrent trois jours après. Elle avait complètement perdu l’esprit. C’était le 1er juin 1765. Déjà, le 8 octobre 1764, dans la paroisse de la Fage, en Gévaudan, la Bête, avec ses griffes, avait emporté les cheveux et la peau de la tête d’un jeune garçon, qui guérit de ses blessures, mais « resta longtemps imbécile ».

Il faut en convenir, les temps d’autrefois n’étaient pas toujours des temps heureux.

Aujourd’hui, ces fauves malfaisants n’auraient point si beau jeu. Ces immenses forêts, qui semblaient faites pour eux, sont,