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312 livres aux intrépides chasseurs, compagnons de Chastel et de Terrisse. C’étaient : Jean Chastel, père et fils, Pierre Chastel, Antoine Chastel, Pierre Roux, J. Pierre Valet, Antoine Tournaire, Jean Taraire, Fois Lèbre, Pierre Laborie, J.-Pierre Chassefeyre et Pierre Pomier.

« Tous s’étaient trouvés aux chasses ordonnées et dirigées par M. le marquis d’Apchier.

« En leur accordant cette gratification, on constatait avec bonheur que, depuis la mort du loup tué par Chastel, et de la louve tuée par Terrisse, les accidents avaient cessé, n’y ayant eu aucune personne dévorée, blessée ou attaquée par les bêtes féroces[1]. »


C’était une bien maigre récompense pour un si glorieux exploit, et cette parcimonie des pouvoirs publics à l’égard des chasseurs dévoués qui avaient rendu à leur pays ce service signalé, n’est point ce qui contribuera le plus à concilier à ces époques les sympathies de la postérité.

Cette fois, la Bête était bien morte, ou plutôt les Bêtes malfaisantes qui dévoraient tant de monde et dont la terreur superstitieuse des populations avait fait une seule personnalité, étaient bien exterminées à tout jamais !

Pourtant, on n’avait tué que des loups[2] !

Que deviennent alors ces assertions risquées[3], ces descriptions minutieuses, aux détails fantastiques, et auxquelles on donnait tant de poids, d’un animal qu’on avait si peu vu ? Que deviennent alors cette longueur insolite d’un pied monstrueux et ces sauts de vingt-huit pieds en plat pays ? Ces exagérations

  1. Ferd. André, Les loups en Gévaudan, p. 27 et 29.
  2. Ces méchantes Bêtes avaient eu, en 1589, des précurseurs au pays de Velay.
    On lit, dans les Mémoires de J. Burel (Édit. de la Soc. Acad. p . 121) : « Je ne veux oblier, en passant, de dire ce petit mot, que toutte ceste année dernière s’estoient levés une grande quantité de loups partout le pays de Vellay que mangeoient les hommes femmes et enfants ne touchoient rien le bestaille qu’ilz trouvoient aux champs, tellement que personne ne osoient sortir de leurs maisons. »
  3. « J’oubliois de vous observer, Monsieur, qu’un jeune homme de seize ans dit avoir vu la Bête franchissant un fossé de sept à huit toises de largeur pour s’élancer sur le malheureux qu’elle a dévoré, mais qu’il étoit trop loin pour pouvoir lui donner aucun secours, il la désigne de couleur rougeâtre et une raie noire sur le dos. »
    (Archives du Puy-de-Dôme. C. 1738. Lettre de M. de Boissieu, 31 mai 1766.)