Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir. Ce qui occasionna beaucoup de dépense à M. d’Apchier qui se faisait une fête d’inviter tous les gentilhommes, bourgeois et prêtres accourus pour le féliciter et le remercier d’avoir ordonné et conduit une chasse aussi heureuse.

« On ne peut douter que ce fût l’animal carnassier qui dévorait tant de monde, puisqu’en l’ouvrant on trouva dans son estomac l’os de l’épaule d’une jeune fille qu’il avait dévorée 24 ou 30 heures avant sa mort, entre Pébrac et le domaine de Mende, appartenant à M. d’Apchier, et d’ailleurs après sa mort on n’entendit plus parler d’aucun désastre.

« C’était une espèce de gros loup mâle, rougeâtre…, il avait la tête extrêmement grosse et le museau fort allongé, plus même à proportion que celui d’un loup ordinaire, au point que, sa gueule étant ouverte, l’intervalle de l’extrémité de ses deux mâchoires était de quatre décimètres et demi, près de deux pans.

« La curiosité des gens une fois satisfaite, la Bête fut mise dans une caisse pour être transportée à Paris par le sieur Gilbert, domestique du marquis d’Apchier et être montrée au roi ; mais soit à cause des chaleurs, soit à cause de la lenteur du trajet, l’animal ne tarda pas à se putréfier ; Gilbert arriva cependant à Paris, à l’hôtel de M. de la Rochefoucauld qui informa aussitôt le roi de l’heureuse destruction de l’animal.

« M. de Buffon, chargé de l’examiner, reconnut que c’était un loup énorme ; mais il était arrivé à un tel point de putréfaction que Gilbert le fit enterrer[1]. »

L’abbé Trocellier, contemporain de cette époque, n’était pas de l’avis de M. de Buffon : « Cette Bête, disait-il, ressemble à un loup, mais ce n’est pas un loup. Tous ceux qui l’avaient vue de près le disaient de même. Elle a les pieds de devant beaucoup plus courts que ceux de derrière ; les oreilles d’une autre façon. On a remarqué plusieurs autres choses qui ne sont pas du loup. Elle a pesé cent neuf livres. On juge que c’est quelque monstre. »


Entre ces deux opinions, le lecteur préférera certainement celle du célèbre naturaliste.

  1. Aug. André. La Bête du Gévaudan. (Bulletin, 1884, p. 203-204.)