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Tandis que les processions recueillies se déroulaient vers les sanctuaires vénérés et que les supplications ardentes de ces malheureux habitants montaient vers le Ciel, M. d’Apchier conduisait les chasses dans les régions où l’on espérait rencontrer la Bête.

Les foins ne se coupaient point encore, les blés étaient loin de leur maturité, aussi les travaux des champs laissaient libres un certain nombre de chasseurs déterminés et aguerris qui suivaient leur chef avec un courage et un zèle opiniâtres.

Tout se paye. Le monstre maudit allait trouver son juste châtiment aux lieux mêmes où il avait commis le plus de méfaits.

On apprit que la Bête était dans la partie du Gévaudan qui touche à l’Auvergne, du côté de Saugues, dans les alentours du Montmouchet, et les appartenances de la paroisse de Nozeirolles d’Auvert.

Le 19 juin, M. d’Apchier dirigea ses battues de ce côté.


« Parmi les chasseurs, était le nommé Jean Chastel, dit le Masque, paysan marié au chef lieu de la paroisse de la Bessière Sainte Marie, excellent chasseur encore, quoique âgé de soixante ans.

« Ce Chastel eut l’avantage de voir passer la Bête devant lui, il la tomba d’un coup de fusil qui la blessa à l’épaule ; elle ne bougea guère, et d’ailleurs fut assaillie de suite d’une troupe de bons chiens de chasse de M. d’Apchier.

« Dès qu’on vit l’animal hors d’état de faire des victimes, il fut chargé sur un cheval, et porté au château de Besque, paroisse de Charais, dans l’Auvergne, près des frontières du Gévaudan.

« M. d’Apchier, conducteur de la chasse, voulut s’en faire honneur ; il envoya de suite chercher à Saugues Boulanger, dit la Peyranie, sans doute par dérision, car c’était un mauvais chirurgien apothicaire, et lui dit d’embaumer la Bête pour qu’elle pût se conserver saine jusqu’à Paris, où il voulait la faire présenter au roi.

« Ce chirurgien ignorant se contenta d’en sortir les entrailles et de les remplacer par de la paille. On la garda ainsi maladroitement à Besque une douzaine de jours pour contenter la curiosité d’une infinité de personnes du voisinage qui venaient la