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Celle-ci, plus agile que les chevaux qui couraient après elle, plus rusée que les batteurs qui la traquaient et que les chasseurs qui la tiraient, bravait tous les efforts et se dérobait aux coups avec une incroyable facilité.

Toutefois, ces chasses journalières finirent par la déloger des environs de Langogne, et, au commencement d’octobre, elle vint établir son repaire dans les bois de Saint-Alban, du Malzieu et de Saint-Chély.

Là, elle ne tarda pas à signaler sa présence par de nouveaux méfaits. Le 7 octobre, elle dévorait, au lieu d’Apchier, une fille de vingt ans. Le lendemain, elle attaquait, au Pouget, paroisse de la Fage, un jeune homme de quinze ans, à qui elle écorchait une partie de la tête, puis elle dévorait une fille de douze à treize ans à Contrandès, paroisse de Sainte-Colombe, et enfin une autre de vingt ans, à Grazeires, paroisse de Saint-Alban.

De nouvelles chasses furent faites de ce côté, commandées par le sieur Mercier, dont on lit le récit dans des relations envoyées à M. Lafont par M. de Morangiès. La Bête semblait invulnérable : elle fut tirée, elle fut même atteinte, on la vit tomber et se relever pour s’enfuir au loin, — les chasseurs voient des choses si extraordinaires ! — on la crut morte. Mais point ; le lendemain elle dévorait de nouvelles victimes.

Le récit de ces carnages multipliés, de ces chasses infructueuses quoique vivement mouvementées, avait fait son chemin, et de ville en ville s’était répandu dans tout le royaume. Il n’était bruit que de ce monstre, et c’est de lui que les gazettes s’occupaient continuellement. À Paris, l’on ne désignait plus le Gévaudan que sous le nom de « Pays de la Bête ». On exagérait le nombre de ses méfaits, et l’on racontait sur ses ruses et son agilité des choses extraordinaires qui défiaient toute vraisemblance.

Cette Bête avait à peine été vaguement aperçue, l’on n’avait sur elle que d’imparfaites indications, et déjà les feuilles publiques la décrivaient, les gravures la représentaient, il faut voir avec quelle exactitude, telle l’estampe ci-contre qui courait le pays.

Le syndic de Mende avait défendu d’envoyer les femmes ou les enfants isolés aux pâturages, et les hommes eux-mêmes