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profondes que dans cette malheureuse contrée. Un soupir de soulagement s’échappa de toutes ces poitrines oppressées.

L’animal qui venait d’être tué était-il vraiment la Bête féroce tant redoutée ?

Les opinions étaient variées sur ce sujet.

M. Bès de la Bessière, de Saint-Chély, écrivait :


« L’animal tué par Antoine n’était pas la Bête qui avait fait tant de dégâts. Cet Antoine tua trois loups dans la même chasse et les conduisit à Paris en poste, mais sans doute il n’en montra qu’un pour mieux jouer son rôle et faire croire que c’était la fameuse Bête. Peut-être céda-t-il ou vendit-il les autres à des gens qui les portèrent çà et là, pour gagner de l’argent, ce qui est vraisemblable[1]. »


M. Ollier, curé de Lorcières, en Auvergne, dans une lettre du 28 décembre, que l’on lira plus loin, soutenait aussi que la Bête n’était point morte et que cette Bête n’était point un loup.

Ces assertions sont contestables. La première est injuste ; elle est en contradiction avec le procès-verbal fait, avec les témoignages des personnes appelées, et démentie par les événements qui vont être racontés. L’une et l’autre d’ailleurs se basaient sur cette conviction qu’il n’y avait qu’une seule Bête et que cette Bête n’était point un loup.

Or, le loup tué par M. Antoine était bien l’une des bêtes qui dévoraient les gens. Ses proportions exceptionnelles, les affirmations des personnes attaquées par lui, et surtout ce qui se passa dans la suite, en paraissent être une preuve catégorique.

L’opinion personnelle de M. Antoine semble très acceptable :


« Je ne prétends pas prouver qu’il n’y ait eu d’autres loups qui ne se soient joints à lui pour dévorer les humains, comme il est arrivé en 1630, où l’on a été huit ans à les détruire, et je suis trop modeste pour avancer qu’il est seul. Si j’avais reçu plus tôt les chiens que j’avais demandés, il y a longtemps que j’aurais été plus expert à rendre cette connaissance plus parfaite[2]. »

  1. Aug. André. Bulletin de la Société d’Agriculture de la Lozère. Année 1884, p. 201.
  2. Lettre à l’Intendant de Languedoc du 22 septembre.