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longueur de trois pouces ; la Bête une fois touchée a poussé un cri en portant une patte de devant à sa blessure, puis s’est roulée dans la rivière et a disparu. Au dire de Jeanne Vallet et de Thérèse, sa sœur, elle est à peu près de la taille d’un gros chien de troupeau, ayant une teste très grosse et platte, la gueule noire et de belles dents, le collier blanc, le col gris, beaucoup plus grosse par devant que par derrière, et le dos noir[1]. »


C’est alors que M. Antoine reçoit, envoyée de Saint-Germain-en-Laye, par le sieur Regnault, garde-chasse, une caisse remplie de pièges à loups, qu’il dispose aux passages les plus fréquentés de ces terribles animaux.

Pendant quelques jours, on vit les gardes et les chasseurs, la pioche sur l’épaule, au coin des bois, creuser des fossés, rétrécir les passages et dissimuler adroitement les traquenards sous une mince couche de terre. Qui sait si une fois ou l’autre la Bête ne finirait point par marcher sur l’un des emplacements préparés ? Et soir et matin, avec une anxiété bien explicable, on venait visiter le piège et voir enfin si aucune capture n’était faite.

Mais la Bête, ou plutôt les loups avaient du flair, et ces recoins si savamment préparés ne leur disaient rien qui vaille. Aussi les pièges comme jadis le poison, n’eurent guère de succès.

Il n’y avait donc rien à faire contre ces maudites Bêtes !

M. Antoine ne craignait pas d’afficher ses sentiments religieux. Le lundi, 19 août, il faisait célébrer une messe solennelle du Saint-Esprit par M. Fournier, curé de la Besseyre.

Le prieur de Pébrac, les curés de Ventuéjols, de Saugues, de Paulhac et le prieur de Nozeirolles y furent invités. Le curé de Ventuéjols s’y rendit en procession à une lieue de distance et le concours fut si grand que l’église de la Besseyre ne put contenir tous les arrivants. Le clergé fit une procession où assistèrent MM. Antoine père et fils, le comte de Tournon, M. Lafont, les gardes-chasses et les piqueurs en uniforme et sous les armes. Au retour de la procession, on chanta la messe, on fit l’offrande et la cérémonie finit par l’Exaudiat et l’oraison pour le Roi. M. Antoine donna ensuite à dîner à tous les ecclésias-

  1. Archives du Puy-de-Dôme. Inventaire, C. 1736.