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Car toujours, et depuis ses plus lointains ancêtres.
Le Poète aima l’Arbre et son âme et ses voix.
Virgile à Rome n’a regretté que ses hêtres ;
Et nous, depuis Ronsard, — les petits et les maîtres, —
          Maudissons les bourreaux des bois…

Écoutera-t-on mieux le savant que le barde,
Le Journal que la Muse ? Et verrons-nous, demain
Sur le sol écorché que le soleil lézarde,
Nos rustiques, pour leur lointaine sauvegarde,
          Planter des arbres de leur main ?

Je n’y crois pas. — Le bon vieillard de La Fontaine,
Qui plantait en songeant à ses petits-neveux,
Avait foi dans sa race et savait que le chêne
Couvrirait un arpent de colline ou de plaine
          Avant qu’ils disparussent, eux !

Pour qui nos paysans sèmeraient-ils encore
Les faînes et les glands des futures forêts ?
Pour leurs fils ? Paris les leur prend et les dévore ;
Et, s’il leur en reste un, par hasard, il n’adore
          Que la pipe et les cabarets.