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Jadis, — et son « jadis » a l’air préhistorique, —
Quelque arrière-grand-oncle à lui, sous un rocher
À l’abri du mistral, eut un petit rucher…
J’écoute en souriant ce vieillard homérique.

Et l’essaim, à mon vieux mûrier toujours pendu,
Grouille et frissonne, attend sans doute qu’on l’héberge
Mais refuse le creux de l’arbre, pauvre auberge
          Au seuil d’arentelle tendu.

Le soleil baisse, l’air fraîchit, le couchant saigne.
L’essaim se pelotonne et se resserre encor,
La nuit vient sans qu’on ait recueilli ce trésor ;
Toute une nation qui s’offre et qu’on dédaigne…

À l’aurore, l’essaim tremblant n’a pas bougé.
Alors, pris de pitié, — honte aux pitiés tardives ! —
J’improvise un abri sommaire aux fugitives
          Dans un coffre mal ouvragé.

Trop tard ! Le soleil brûle ; il a séché les ailes,
Et la brise du large a grisé les cerveaux ;
Et la tribu s’en va vers des hasards nouveaux,
En plein midi, dans un poudroiement d’étincelles.