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Aussi quelle terreur pour tous ! — hormis pour moi,
Familier de ce lieu sombre et qui, sans émoi,
          Pendant le sommeil de la meule,
Y restais longuement et m’y tenais bien coi,
Malgré les cris et les appels de mon aïeule.

Je flattais de la main, de l’œil et de la voix
La grande roue, — ainsi qu’à l’étable parfois
          Mon père faisait de la Grise,
Notre jument, — prêtant une âme à ce vieux bois
Que j’avais vu virer comme feuille à la brise.

D’autres scènes, d’ailleurs, sollicitaient mes yeux :
Un gros rat s’en venait boire, silencieux ;
           Une monstrueuse araignée,
Dont j’avais en entrant brisé le fil soyeux,
Réparait le désastre à la hâte, — indignée.

Et l’eau, que l’on sentait captive en sa prison
De pierre et de ciment, pesait sur la cloison
          Et giclait des minces fissures,
Avec un cliquetis pur comme la chanson
De l’ondée en avril sur les jeunes verdures.

Ombre, fraîcheur, silence et repos, à côté
De l’abîme dormant, par un mur arrêté
          Et par un frêle bout de planche…
— Telle la vie, et tel le malheur irrité
Qui sur l’homme soudain peut fondre en avalanche !