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À certains jours elle se pare et se fait blanche ;
La nappe à fleurs embaume, et sur la rude planche
Met son aube éclatante et ses vieux plats d’étain :
On se marie, ou l’on baptise, — ou l’on enterre !
Car la Table, à la ferme, est de tout grand mystère,
Et le mort est le seul à n’y plus avoir faim…

Table rustique, sœur de la marmite sombre
Qui te fait vis-à-vis, là-bas, dans la pénombre.
Ou même sur son banc te prolonge parfois,
Nul ne peut te revoir dans sa vieille demeure
Sans que son œil se trouble et que son âme pleure
Ceux qui te couronnaient de regards et de voix.

Mais que t’importe, à toi, Table robuste et bonne ?
Tu remplaces soudain celui qui t’abandonne
Par d’autres qui guettaient, debout, les yeux ardents
Dans l’ombre ; et quand je pars, les fils de ma fermière
Bondissent vers ton grand espace de lumière,
Cuiller au poing, narine ouverte et rire aux dents !