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Notre-Dame de Larrat

Du vendredi 10e juillet

[136] Sur les sept heures nous sommes parti, avec notre aumônier et les sieurs Maurel, marchand, et André, recteurs de ladite chapelle, et encore le sieur Ripert, pour nous rendre à la chapelle de Notre-Dame de la Rat, où étant arrivé nous avons fait notre prière devant l’autel, pendant que notre aumônier s’est préparé pour dire la messe, laquelle étant finie nous avons commencé la visite.

Cette chapelle était autrefois un prieuré sous le titre de Notre-Dame de Pitié, dans le terroir de Larrat. Le sieur Decormis, doyen de Saint-Paul[1], en a été pourvu par le seigneur évêque de Vence. Ensuite le sieur Péraud, bénéficier. Après lui, M. l’abbé de Crillon, maintenant évêque de Saint-Pons[2], et enfin M. l’abbé de Broglio[3]. Ces deux messieurs n’ont pris de provisions de ce prieuré que pour avoir un titre pour être nommés agents du clergé dans la province d’Embrun.

[137] Ce bénéfice est abandonné depuis longtemps à un frère ermite qui y demeure. Le revenu est consommé, et au-delà, par la taille. Il n’y a que deux petites pièces de terre, en mauvais terroir et fort pierreux. On y peut semer deux panaux de grain[4]. Les oliviers qui y étaient avant 1709 sont presque tous morts. Il n’en reste que quelques uns qui ne rendent presque rien. Avec environ quarante chênes, petits ou de moyenne grosseur. Il y en avait de plus gros que le frère ermite a fait couper et scier pour servir de travers quand on raccommodera le toit de la chapelle. Nous lui avons défendu d’en couper à l’avenir sans notre permission.

Le devant de la chapelle est une espèce d’aire qui sert aux voisins dans I e temps de la récolte pour reposer et battre leurs blés. Cette terre est contigüe au jardin du bâtiment qu’occupe le frère et qui est derrière la chapelle.

[138] La chapelle est faite en croix. Le maître-autel est élevé de trois ou quatre marches, avec un balustre au-devant. Il est orné d’un retable avec beaucoup de sculpture qui parait tout neuf et qui occupe tout le fond de la chapelle, en largeur et en hauteur. Il a été fait par un frère hermite. On n’a payé que le bois qui est entré dans l’ouvrage. Il y a huit ou neuf ans qu’il est fait. Le tableau qui est au milieu représente Notre-Dame de Pitié. Il (a) conté 200 livres[5]. Cet argent a été fourni par les recteurs et est provenu des quêtes qu’on faisait de temps en temps par la ville et dans la chapelle.

Il y a une fondation faite par les ouvriers du Saint-Sacrement[6], d’une messe tous les samedis. Le sieur Galian, bénéficier, en est chargé et la dit.

On dit qu’il y a encore deux autres fondations. Il faudra s’en informer plus particulièrement[7]. Le livre rouge de M. Godeau fait mention d’une fondation faite par Pierre Dominicy, curé de Vence, en 1633, de deux messes tous les mois et une autre le jour de l’Assomption, pour lesquelles il aurait donné une maison joignant la chapelle et une pièce joignant le chemin allant au Calvaire[8], et une autre pièce audit quartier. C’était dans ce temps Jean Dominicy, de Saint-Guillaume[9], qui avait le patronat de cette fondation dans ladite chapelle. Ces fonds ayant été incultes longtemps, les fondations ne s’exécutent plus.

[139] Le livre rouge de M. Godeau parle encore, à la marge, d’une fondation de deux messes par mois, faite par feu André Scudier en son testament du 30 août 1635, acte reçu par Louis Blacas, notaire de Vence. Les messes ont été réduites le ter août 1670. La réduction est au greffe de l’évêché.

Le calice de ladite chapelle parait ancien. Il a besoin d’être nettoyé et reblanchi. La patène doit être redorée. Il y a sur le pied du calice, dans un petit cartouche, une Notre-Dame de Pitié gravée.

Les ornements consistent en une chasuble de camelot blanc,

  1. Le vicaire de Saint-Paul porte le titre de doyen depuis que l’église paroissiale a été érigée en collégiale, par Mgr Godeau.
  2. L’évêché de Saint-Pons de Thomières (Hérault).
  3. De l’illustre maison de Broglie, étrangère à la Provence.
  4. L’évêque a écrit ensuite, puis barré, les phrases suivantes, qui conservent pour nous tout leur intérêt : "Cette terre est jointe à la chapelle et au bâtiment qu’occupe l’hermite par un petit jardin qui est sur le derrière. Il y a au-devant une place assez grande qui sert au public, dont les arbres, qui ne sont que de vieux oliviers, appartiennent à la chapelle. Il y a quelques arbres de chênes dans le fonds, environ une quarantaine, de petite ou de moyenne grosseur". Ces chênes montrent que la chapelle est construite en bordure de la chêneraie qui subsiste encore au Calvaire.
  5. 200 livres : il s’agit du prix du tableau, non de celui du retable.
  6. Les ouvriers : les recteurs de la confrérie, les dirigeants d’une œuvre.
  7. Il faudra s’en informer : c’est ce que Mgr Bourchenu a fait, car il ajoute en note ce qui suit.
  8. Le livre rouge de Mgr Godeau : son pouillé, Archives départementales des Alpes-Maritimes, G 1351. Le chemin allant au Calvaire : information précieuse parce qu’elle montre qu’il y a déjà un lieu dit le calvaire, en 1716, c’est-à-dire plusieurs années avant que le chanoine Blanc n’entreprenne de faire construire les chapelles du Calvaire que nous connaissons.
  9. Saint-Guillaume : A n’en pas douter le lieu dont Dominicy était originaire ; mais où est-il situé ?