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rien n’est vray, qu’il ne soit universellement vray, et ainsy nous devons conclure qu’une chose est fausse, si elle est fausse en un seul cas : et au contraire la possibilité est une marque asseurée dans la verité de ces choses : or nostre ne sçauroit rien concevoir comme possible qu’il ne le conçoive comme reel, et comme veritable selon essence.

Ainsi quand un geometre a approuvé la possibilité de la division d’une ligne en tant de parties que l’on voudra, il pretend qu’il luy est permis ensuite de la supposer divisée en cent millions de parties, sans se mettre en peine s’il arrivera jamais qu’elle soit actuellement divisée en autant de parties, parce qu’il suffit que cela soit possible pour le regarder comme vray, et pour raisonner sur cette supposition.

Voila comment nostre raison se doit conclure dans la connaissance des choses purement speculatives : mais si on pense se servir de ces mesmes regles dans la xxxxxxxconnoissance des suites, et des évenemens humains on n’en jugera jamais que faussement, si ce n’est par hasard, et on xxxxxxxfera mille raisonnemens que l’on croira tres solides, et qui seront tres faux, et tres absurdes.

Car ces faits estant contingents de leur nature il seroit ridicule d’y chercher une verité necessaire, et ainsy un homme seroit tout a fait deraisonnable, qui ne voudroit croire de ces faits, que quand on luy auroit fait voir qu’il seroit absolument necessaire que la chose se fut passée de la sorte.

Et il ne seroit pas moins deraisonnable s’il me vouloit obliger de croire un fait par cette seule raison qu’il est possible ; car n’estant pas tellement possible que le contraire ne le soit aussy, je serois obligé par la mesme raison de croire en mesme temps les deux contraires ce qui est absurde.

Il faut donc poser pour une maxime certaine et indubitable dans cette rencontre que la seule possibilité d’un fait, n’est pas une raison suffisante pour me le faire croire ; et que je puis aussy avoir raison de le croire, quoyque je ne juge pas impossible que le contraire ne soit arrivé ; de sorte que de deux evenemens je pourray avec raison croire l’un, et ne pas croire l’autre quoyque je xxxxxxx les croye tous deux possibles.

Mais par ou donc me determineray je a croire plutost l’un que l’autre, si je les juge tous deux possibles, ce sera par cette maxime.

Pour juger de la verité d’un fait et nous determiner à le croire, ou a ne le pas croire, il ne le faut pas considere nüement

et en luy