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est spirituel, et immortel : mais les hommes l'ont bien plustot consideré comme principe de la pensée, que comme spirituel, et immortel : parce que l'un estoit bien plus facile a reconnoistre que les deux autres. Ainsi ils ont joints un son comme peut estre celuy de mens, ou de mens humana, ou d'esprit humain avec l'idée de principe de la pensée sans faire aucune attention aux conditions de spirituel, et d'immortel. D'où il s'ensuit que le mot de mens ne signifie proprement que ce qui est e nous le principe de la pensée, et non une substance spirituelle, et immortelle.

Car ce seroit un sophisme de raisonner de cette sorte.

Ce qui est en nous le principe de la pensée, est une substance spirituelle, et immortelle.

Or les mots de mens humana signifient toujours ce qui est en nous le principe de la pensée.

Donc ils signifient toujours une substance spirituelle et immortelle.

Donc quand ils reconnoissent qu'il y a dans les hommes ce qu'on appelle mens, ils reconnoissent qu'il y a dans les hommes une substance spirituelle et immortelle.

Tout cela est mal raisonné parce que le mot de mens n'ayant esté joint par{{rature|xx} ceux qui l'ont importé qu'avec l'idée de principe de la pensée ne signifie que cela ; et quand il nous donne sujet de concevoir une substance spirituelle, et immortelle, ou parce que la suite du discours fait voir que l'on donne plus d'étendüe a ce mot qu'il n'en a selon la signification litterale.

Autre exemple. Les hommes ayant vû tomber plusieurs corps en bas sans rien voir qui les poussait en bas, se sont imaginés que rien en effet ne les poussoit, et sur cette fausse imagination ils leur ont donné le mot de pensant, auquel ils ont joint l'idée non seulement d'une chose qui tombe en bas, ce qui est vray, mais qui y tombe dans y estre poussée ce qui est faux.

Ce seroit donc encore mal raisonner que de dire

Rien ne tombe en bas qui n'y soit poussé selon la verité des choses.

Or le mot de pesant signifie ce qui tombe en bas.

Donc il signifie ce qui tombe en bas y estant poussé.

Cela est faux. Car il signifie au contraire litteralement ce qui tombe en bas sans y estre poussé, a moins qu'on l'ait dépoüillé de cette fausse idée en avertissant qu'on ne le prend que pour ce qui tombe en bas, quoy qu'il n'y tombe pas sans y estre poussé.