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Or de la il s’ensuit que les mots ne siginifient pas les choses comme elles sont en elles mesmes, mais comme elles ont esté conceües par ceux qui ont imposé les noms soit la premiere fois soit dans la suite du temps. Car la siginification d’un mot n’est pas tellement fixe que souvent elle ne varie, parce qu’on peut joindre a ce mot une idée plus parfaite que celle qu’on y avoit jointe d’abord. Mais il est toujours vray que la signification d’un mot ou premiere ou seconde vient toujours de la premiere ou de la seconde institution, et cette institution a toujours rapport non aux choses en elles mesmes, mais aux choses telles qu’elles ont esté conçeües par ceux qui ont donné la signification aux mots en les liant avec leurs idées.

Il est donc clair que la signification des mots ne se doit pas regler sur la verité des choses ; car les choses sont ce qu’elles sont dans la vérité par leur nature et la volonté des hommes n’y ⁁a aucune part, mais la volonté les mots ne signifient que les ce que les hommes ont voulu qu’ils signifiassent : de sorte que quand il plaist aux hommes d’envisager une mesme chose par diverses fasses faces et luy imposent differents noms selon ces diverses veües, le nom qui la signifie par considerée selon l’un de ces faces ne la signifie pas considerée selon l’autre, ainsi quoy que dans la nature tout ce qui est étendu, le soit nécessairement en 3. manières, qu’on appelle trois dimensions, neantmoins on a jugé a propos de considerer les corps selon une seule, et de leur donner alors le nom de longs, ou de lignes, ou selon deux, ou de et alors de les appeller larges, ou surfaces ; ou selon toutes les trois ensemble, et de les appeller alors profonds ou solides. Et cela suffit pour dire que le mot de long ne signifie pas large, et profond, quoy que tout ce qui est long, soit aussi large et profond.

Mais il faut remarquer que dans cet exemple c’est avec dessein que le mot de long ne siginifie qu’une dimension du corps : au lieu qu’il arrive souvent que c’est sans dessein que les mots ne se trouvent pas tout a fait conformes a la verité des choses, parce que les hommes les ont conceües imparfaitement, ou mesme parce qu’il s’est meslé quelque erreur dans leur jugement. Alors quoy que ce soit sans dessein qu’on a joint aux mots qu’une idée imparfaite, ou meslée de faussetée, il est vray neanmoins que les mots ne signifient les choses qu’en cette maniere, et que ce seroit un pur sophisme de conclure qu’un mot signifie tout ce qu’est dans la verité la chose qu’il signifie, ou qu’il ne signifient pas, ce que la chose n’est pas en effet.

Exemple. Ce qui est en nous le principe de la pensée

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