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proposer en défi à l’Europe la démonstration des propriétés de la roulette qu’il vient de découvrir, c’est que sa supériorité ainsi affirmée dans le domaine le plus difficile de l’intelligence donnera plus de crédit à son apologie de la religion.

Mais du moment que la recherche scientifique n’a plus d’autre but que d’exercer et de fortifier notre raison pour lui permettre d accéder à des vérités plus hautes et d’un ordre que la science n’atteint pas, peu importe le sujet auquel le savant s applique. Il convient même que ce sujet ne soit pas trop ambitieux, pour ne point risquer d’entraîner notre raison au-delà des limites où son empire est légitime. Les secrets de la nature ne nous regardent pas et nous n’avons que faire de les connaître. Les problèmes trop vastes et qui peuvent donner l’illusion de toucher aux causes premières, ne sont-ils pas dangereux ? C’est pourquoi Pascal trouve inutile d’approfondir Copernic et Kepler. Au delà de Descartes qu’il blâme de n’employer Dieu qu’à donner une chiquenaude au monde — après quoi on s en passe, — il entrevoit déjà l’astronome fier de sa science qui, un siècle et demi plus tard, interrogé sur Dieu, répondra qu’il n’a pas eu besoin de cette hypothèse.

Ainsi la foi mystique de Pascal a retenu, limité, restreint son imagination scientifique. Des savants, des philosophes s’en sont plaints. Des croyants même ont regretté qu’un tel géomètre eût fait si bon marché d’un don qui lui venait « de là d’où tout nous vient ». Mais n’ont-ils pas tort ? Sa personnalité qui fut sans seconde, n’est-elle pas mieux préservée ainsi contre le temps et l’oubli ? Si la véritable immortalité, pour le penseur, est de susciter indéfiniment dans les âmes des adhésions ou des révoltes passionnées, qui donc, plus que Pascal, a conquis l’immortalité ?

Ses rivaux dans le domaine des nombres, des formes et