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le dernier mémoire mathématique de Pascal, ses lettres sur la roulette qu’il n’a voulu signer que d’un pseudonyme, Leibnitz s’écrie que « la lumière l’a tout-à-coup ébloui (subito lucem hausi) ». D’Alembert affirme que ce traité sera toujours précieux comme un monument singulier de la force de l’esprit humain, reliant l’un à l’autre Archimède et Newton.

Mais devant ce génie se manifestant ainsi par éclairs, une question vient naturellement à l’esprit : puisqu’il était au bord d’un champ plus vaste de découvertes, pourquoi n’a-t-il pas fait le dernier pas P Puisqu’il lui suffisait, pour devancer Newton et Leibnitz, de généraliser les problèmes qu’il a résolus, pourquoi, lui, l’esprit synthétique par excellence, lui qui, à seize ans, dominait d’un point de vue si élevé la théorie des coniques, pourquoi s’est-il abstenu d’un effort si naturel ? Puisqu’il était maître, au fond, des règles du calcul infinitésimal, puisqu’il était maître également des principes de la mécanique alors connus, pourquoi n’a-t-il pas appliqué cette maîtrise au problème le plus grandiose que le cosmos posait aux hommes de son temps, au système de Copernic et aux lois de Képler ?

Enigme dont nous chercherions vainement la solution dans les écrits mathématiques de Pascal. Car elle serait sans réponse si nous ignorions que le savant n’est qu’une des faces de sa personnalité, qu’il est avant tout un des plus hauts lyriques de l’anxiété humaine et que sa grande âme tourmentée a poursuivi, hors de la science, la recherche des certitudes absolues dont elle avait soif.

C’est à trente ans, en pleine gloire, en pleine invention scientifique, alors qu’il vit dans le siècle et prend part aux plaisirs du monde, que Pascal est brusquement envahi d’une sorte de lumière intérieure qui lui montre la vanité de toutes les choses auxquelles il s’est attaché jusque-là. En regardant « l’univers muet et l’homme égaré dans ce coin de l’univers, sans savoir ce qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, il entre en