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et que, pour obtenir cette nouvelle espèce de grandeur, il faudra passer à un ordre d’infinitude supérieur, c’est-à-dire multiplier la longueur d’une ligne par la longueur d’une autre ligne qui, comme tout continu, contient un nombre infiniment grand de quantités infiniment petites : ainsi on obtiendra une surface, tandis que par addition de lignes on n’aura jamais qu’une ligne, quantité infiniment petite et négligeable par rapport à une surface.. Or, ajoute Pascal, en raison de « la liaison toujours admirable que la nature éprise d’unité établit entre les choses les plus éloignées en apparence », ce principe est susceptible d’applications à tous les domaines : il nous fait comprendre la disproportion du fini et de l’infini ; il nous fait comprendre la discontinuité ou l’hétérogénéité des ordres d’infinitude ; il nous révèle enfin la double infinité de la nature, en grandeur et en petitesse. Accroissez indéfiniment une étendue, un nombre, un mouvement : jamais vous n’arriverez à l’infini ; diminuez-les indéfiniment : jamais vous n’arriverez au néant. Nous avons beau enfler nos conceptions au delà des espaces imaginables : notre imagination se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir. Nous avons beau des cendre jusqu’aux choses les plus délicates : il y a un univers, un abîme d’immensité, dans l’enceinte d’un raccourci d’atome.

Alors, l’homme s’estimera à son juste prix : se voyant soutenu entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, il comprendra qu’il est un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature : mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui : l’univers n’en sait rien. — Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutit comme un point : par la pensée, je le comprends. »