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données que mettent en œuvre la perspective, le calcul des probabilités ; et voici que, par un pressentiment tout à fait génial, devançant de deux siècles le développement de notre science et les conclusions qu’en tirent un Newman, un Cournot, Pascal découvre dans la convergence des témoignages indépendants la méthode démonstrative des sciences morales, des sciences du singulier, de l’histoire, et le principe même de toute la connaissance humaine.

Reprenons, pour illustrer cette méthode, un exemple très simple, donné par Filleau de la Chaise. La première fois que j’entends parler de l’embrasement de Londres, je n’en puis rien affirmer de certain, et je parierai peut-être égal que la chose est ; mais si deux, trois, dix témoins indépendants me relatent le même événement, si, surtout, ils me le relatent avec les mêmes détails, et si ces détails, en outre, sont des faits contingents, indépendants les uns des autres, et tels qu’ils ne puissent être construits a priori par le raisonnement, il n’y a plus de pari : « dès la troisième ou seconde preuve, selon qu’elles sont circonstanciées, on peut arriver à l’infini, c’est-à-dire à la certitude que la chose est. » En effet, chacun des témoins peut bien se tromper : mais, s’ils se trompaient, ils se tromperaient différemment. Leur accord ne peut donc s’expliquer rationnellement que par la vérité du fait, car il exclut absolument le hasard.

On arrive de la sorte à une certitude tout autre, assuré ment, que la certitude mathématique, mais qui, « pour n’être pas géométrique, n’en est pas moins infaillible », et qui, pour l’intérêt, surpasse toutes les autres, parce qu’elle nous permet de discerner, derrière les signes, la réalité singulière qu’ils figurent. La mère ne connaît-elle pas mieux son enfant que le pédagogue ? et mon ami ne m’importe-t-il pas plus que toutes les théories biologiques, psychologiques ou sociologiques relatives à l’espèce humaine ? Car il n’est pas un abstrait, mais un être, et un être que le cœur appréhende immédiatement, à travers la