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De tels tableaux, quelle révélation de la fièvre, du frémissement perpétuel qu’il y a dans cette famille ! On met toujours l’accent sur le génie de l’enfant. Et certes à juste titre ! Mais il faut le mettre aussi sur les émotions du père. Le voilà, cet enfièvrement que Pascal hérita. Les voilà, ces larmes qu’à son tour il ne va pas tarder à verser. Joie, joie, pleurs de joie ! Des larmes qui viennent des idées, non pas des passions. Les pleurs d’une intelligence qui s’émeut. Ces Pascal sont des gens chez qui la vie intellectuelle et la vie sensible concourent à une même exaltation.

Et l’enfant merveilleux pénètre dans le cercle des maîtres. L’apprentissage s’est fait en dehors d’eux. Ils n’ont plus qu’à l’accueillir, le petit confrère. Le voilà associé aux travaux de ce cénacle de mathématiciens qui, groupé autour du Père Mersenne, a été le commencement de l’Académie des Sciences. Il les écoute, docile et surpris tour à tour. À leur heure, ce sont bien des savants, mais le reste du temps, de joyeuses gens. Ils méditent, ils raisonnent, puis ils rient et bavardent. On dirait qu’ils n’ont pas à connaître plus haut que des problèmes de physique et de mathématique. Leur âme s’accommode de cette ignorance, qui leur est même un mol oreiller. Leurs idées ressemblent à celles d’un Montaigne : la franche liberté du doute, la haine du pédantisme d’école, la révérence de la religion, l’éloge de la tranquillité d’esprit. En somme les idées contre lesquelles plus tard Pascal s’élèvera avec une force si tragique. Ils veulent suivre la nature. Eh bien, lui dès maintenant, il voudrait la rectifier, l’épurer, la contraindre, la surmonter. Il se saisit de leur savoir, mais son désir ne s’y satisfait pas. Un tel esprit ne peut demeurer avec Le Pailleur. Il ira plus outre. Leur paix n’est pas la sienne. Que lui donnerait leur demi-science pour son sentiment ? Il a besoin de la religion. Il veut passer sur un autre plan, s’élever dans une autre sphère. Il pressent la sainteté.

Et le voilà justement, peu de temps après, à Rouen, en présence de ces deux médecins qui étaient venus soigner la jambe cassée d’Étienne Pascal et qui s’intéressaient plus