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cer la superstition ! Dans cette folle scène à l’ombre de la cathédrale, nous avons déjà presque tout Pascal. Il y a un élément pathologique dans ce grand homme, mais qui le tourmente sans jamais entamer ni l’intégrité de son esprit, ni la sérénité de sa foi. Dans les dernières années de sa vie, il voyait constamment un abîme ouvert à son côté, mais cette hallucination, il l’a connue comme telle, il n’en a fait aucun état, et, ce phénomène morbide, il ne l’introduit, il ne l’invoque dans aucun de ses raisonnements. De même ses délires d’enfant ne troublèrent pas son développement. Si quelque figure mauvaise s’est penchée sur son berceau, son âme n’en a rien reçu. Il est enveloppé par l’amour de la famille la plus noble et la plus tendre. Son grand-père, son père, sa mère, qui n’a plus que peu de mois à vivre, son aînée Gilberte, le petit cousin Florin, le regardent avec émerveillement. Tous, ils ont eu très vite la certitude que leur Blaise était extraordinairement précieux. Ils l’ont deviné, avant nous tous, et dès son plus bas âge. Écoutez ce que nous raconte Gilberte : « Dès que mon frère fut en âge qu’on put lui parler, il donna des mar­ques d’un esprit tout extraordinaire par les petites répar­ties qu’il faisait de la nature des choses ». Voilà les pre­miers mots de cette couronne que les siens lui ont tressée, les premières fleurs de cette légende qu’ils ont vécue avec lui, avant de l’imposer à Port-Royal, qui doit à son tour l’imposer à l’Univers. Tout de suite le père comprend sa responsabilité. Il se reconnaît une mission envers cet enfant fragile et génial, d’une sensibilité excessive et d’un esprit tout puissant. Il décide de se consacrer à l’éducation du petit Blaise.

Et, d’abord, et presque à son insu, ce qu’il met à la disposition de l’insatiable questionneur, c’est le trésor des pensées accumulées dans une famille de robe et dans un milieu de judicature et d’administration financière.

Monsieur Pascal, le père, était président à la Cour des Aides de Montferrand. Ces magistrats de l’ancienne France formaient un corps vigoureusement caractérisé par l’amour des choses de l’esprit, le goût du droit et de la procédure, le