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et ce parfait tempérament dans lequel… par un bonheur que je ne puis assez reconnoistre, j’ay esté toujours elevé avec une méthode singulière et des soins plus que paternels »[1].

Que ses débuts dans la vie aient été graves, sinon austères, on ne se trompera guère en le pensant, quoique la tendre affection d’un père, qui devinait dans l’enfant un génie précoce, et de deux sœurs, elles aussi ses naïves admiratrices, ait pu quelque peu atténué la sévérité ordinaire de la maison. Si l’on admet que Blaise doive en partie « son impatience de la contradiction, son penchant aux idées tristes », comme « sa nervosité féminine » [2], à cette influence, n’est-il pas l’homme qui ne craindra pas, un jour, de protester devant le chancelier Seguier contre « les retranchemens qu’on avoit faits aux rentes de l’Hôtel de Ville », au risque de provoquer la colère de Richelieu ; qui, dans ses fonctions d’intendant à Rouen, s’emploiera, avec un zèle dont il fut victime, à empêcher le duel ; qui enfin, en Normandie, s’acquittera de son devoir « avec toute la droiture et l’équité possibles, ne voulant point que ceux qui etoient à lui reçussent rien de personne » [3] ? On n’ignore pas que son heureuse administration lui valut des lettres de conseiller d’État. N’est-ce pas Gilberte, maîtresse de maison de 18 ans, qui, sollicitée par la duchesse d’Aiguillon de laisser sa sœur Jacqueline jouer la comédie devant le cardinal de Richelieu, aurait répondu aux ambages : « Monsieur le cardinal ne nous donne pas assez de plaisir pour que nous pensions à lui en faire » [4] ? N’est-ce pas la

  1. Lettre de Pascal à Le Pailleur, de février-mars 1648, ibid., t. II, p. 210.
  2. F. Strowski, Pascal et son temps, Paris, 1907, t. II, p. 3.
  3. C’est le texte du Recueil d’Utrecht, de 1740, reproduit dans les Mémoires de l’Académie… de Clermont-Ferrand, 1860, p. 327-328. Le témoignage de Marguerite Perier, dans la Vie d’Etienne Pascal,est analogue (édit. Brunschvicg, t. I. p. 15-16).
  4. Je suis le texte du Recueil d’Utrecht, loc. cit., p. 325. Marguerite Perier, dans la Vie d’Etienne Pascal, dit seulement (édit. Brunschvicg, t. I, p. 10) : « Ma mere luy respondit (à l’envoyé de la
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