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sans responsabilité, pour la rendre propre à l’habitude de me considérer comme si j’étais une brute.

Ma maîtresse avait, je l’ai déjà dit, un cœur bon et tendre ; quand j’allai d’abord demeurer avec elle, elle commença, dans la simplicité de son âme, par me traiter comme elle croyait qu’un être humain devait se conduire envers son semblable. En entrant dans l’exercice de ses fonctions, comme propriétaire d’un esclave, elle ne parut pas s’apercevoir que j’étais par rapport à elle, ce qu’est l’objet possédé par rapport au possesseur, et que non-seulement elle aurait tort, mais qu’elle s’exposerait même à un danger en me traitant comme un être humain. L’effet de l’esclavage fut aussi funeste pour elle que pour moi. À mon arrivée, je la trouvai pieuse, cordiale et tendre. Elle avait des larmes pour toutes les afflictions et pour toutes les souffrances. Elle donnait des consolations et des secours à ceux qui souffraient de la faim, de la nudité et de la douleur. L’usage de la servitude ne tarda point à prouver qu’il avait le pouvoir d’enlever ces qualités célestes. Ce cœur tendre devint, sous son influence, aussi dur qu’un rocher, et la douceur de l’agneau fit place à la férocité du tigre. Le premier pas qui marqua ce triste changement eut lieu lors qu’elle cessa ce m’enseigner à lire. Elle commença