Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leurs projets et pénétrer leurs sentiments au sujet de leur état ; aussi les noirs, instruits par l’expérience, ont-ils adopté cette maxime : « Langue tranquille, tête sage. » Ils s’abstiennent de dire la vérité plutôt que de courir le risque qui en pourrait résulter ; et en cela ils montrent qu’ils font partie de la famille des hommes. Aussi, ont-ils quelque chose à dire de leurs maîtres, c’est ordinairement en leur faveur, surtout lorsqu’ils parlent à un homme dont ils se défient. On m’a souvent demandé, lorsque j’étais esclave, si j’avais un bon maître, et je ne me rappelle pas avoir jamais dit non. En répondant ainsi, je ne crois pas avoir menti d’une manière absolue, car j’ai toujours mesuré la bonté de mon maître d’après les idées qui régnaient à ce sujet parmi les propriétaires des environs. En outre les esclaves ne sont pas plus inaccessibles aux préjugés que les autres gens. Il y en a beaucoup qui, sous l’influence de ce préjugé, pensent que leurs propres maîtres sont meilleurs que les maîtres des autres esclaves, tandis que, bien souvent, c’est le contraire. Il n’est pas rare de voir des esclaves se disputer au sujet de la bonté relative de leurs maîtres, et chacun soutenir que la bonté du sien l’emporte sur celle des autres, ce qui ne les empêche pas d’abhorrer chacun leurs maîtres pris séparé-