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Ces paroles-là servaient pour ainsi dire de refrain à d’autres mots qui sembleraient à certaines personnes un jargon inintelligible, mais qui étaient cependant pleins de sens pour eux-mêmes. J’ai quelquefois pensé que ces chansons-là, rien qu’à les entendre, pouvaient faire sentir à quelques esprits la nature horrible de l’esclavage, mieux que ne saurait le faire la lecture de plusieurs volumes entiers de réflexions à ce sujet.

Pendant que j’étais esclave, je ne comprenais pas la signification profonde de ces chansons rudes, et, à ce qu’il me semblait, incohérentes. Je me trouvais moi-même en dedans du cercle, de sorte que je ne voyais ni n’entendais comme ceux qui étaient en dehors pouvaient voir et entendre. Ces chansons révélaient une histoire de souffrances qui était alors tout à fait au-dessus de ma faible intelligence ; elles étaient l’expression de la prière et de la plainte d’âmes qui débordaient de l’angoisse la plus amère. Chaque son était un témoignage contre l’esclavage et une prière à Dieu pour la délivrance. Lorsque j’entendais ces chants bizarres, ma gaîté ne manquait pas de disparaître et de faire place à une tristesse ineffable. Je me suis souvent surpris à verser des larmes en les entendant. Le souvenir seul de ces chansons suffit pour m’affliger maintenant ; et,