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gens qui restaient solides disaient de l’endroit : — Aussi dégradé que dépenaillé. »

Ce fut en 1833 que j’échangeai Baltimore contre Saint-Michel. La date reste présente à ma mémoire, parce qu’en cette année-là, celle qui suivit l’invasion du choléra, mes yeux contemplèrent pour la première fois ce phénomène merveilleux : une pluie d’étoiles. L’air fourmillait de ces brillants messagers du ciel ; ils illuminaient la nuit ; et moi, ravi d’admiration, pénétré de respect, je me demandais si ce n’étaient point les avant-coureurs du Christ, du Fils de l’homme, qui revenait délivrer les captifs ! N’avais-je point lu qu’alors, les étoiles tomberaient des cieux ? Nos souffrances n’étaient-elles pas à leur apogée ? Et je regardais vers l’éther, pour chercher dans ses profondeurs, cette liberté que la terre nous déniait.


Revenons à maître Thomas. Je ne l’avais connu, qu’en qualité de gendre du Captain Anthony. Sept ans s’étaient écoulés ; j’avais maintenant à étudier son humeur, ses dispositions, la meilleure méthode à prendre pour lui plaire. Les maîtres, en général, ne mettent pas de gants lorsqu’il s’agit de manier un esclave. Je sus bientôt à quoi m’en tenir sur le caractère de M. Thomas Auld. Ma nouvelle maîtresse, mistress Rowena, ne se donna pas la peine de dissimuler le sien. Aussi froide et cruelle que son mari était avare, elle avait le don de l’endurcir, de le barbariser — qu’on me pardonne ce barbarisme — autant qu’elle-même était dure et méchante. Les deux époux s’inoculaient réciproquement