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tempes du moribond. Or, le dernier soupir exalé, grand’mère, esclave toujours, vit ses enfants avec ses petits-enfants mis aux enchères, vendus, emmenés. Après quoi, la trouvant de nulle valeur, son nouveau maître Andrew lui fit dresser une hutte de paille dans la forêt, l’y mit, et lui dit : Tire-t’en comme tu pourras !

Parti, parti, vendu, parti !
Vers les marais de riz, moites et solitaires,
Où nuit et jour le fouet du planteur se balance,
Où le mousquite enfonce aux chairs son dard sanglant,
Où fauche le démon de la fièvre à grands coups,
Où descend le poison quand pleure la rosée,
Où le soleil malade et pâle,
Voit mourir ses rayons dans le brouillard fumeux.

Parti, parti, vendu, parti !
Vers les marais de riz moites et solitaires.
Deuil et malheur sur moi, mes enfants arrachés[1] !

Veuf depuis deux ans, maître Thomas remplaça ma chère maîtresse Lucretia par une seconde femme, miss Rowena Hamilton, fille d’un riche planteur, et fut s’établir à Saint-Michel, non loin des propriétés de son beau-père.

Un différend étant survenu presque aussitôt, entre maître Hugues et maître Thomas, celui-ci n’inventa rien de mieux, pour punir celui-là, que de me rappeler sur ses terres.

Ce différend — je vais en raconter la cause — servira

  1. Chant de Whittier, l’esclave-poëte.