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protégeait contre les fureurs de tante Katy. Un mois plus tard, sachant combien alors j’étais aimé à Baltimore, mistress Lucretia, d’accord avec son mari le Captain Thomas Auld, m’y renvoya.

Quelques semaines, hélas ! à peine écoulées, j’apprenais la mort de mistress Lucretia. Elle laissait une fille : Amanda. Bientôt, maître Andrew, de sinistre mémoire, descendait à son tour au tombeau. Plus rien, sauf la petite Amanda, ne restait des Anthony.

Ces décès n’amenèrent aucun changement dans la condition des esclaves. Mais en perdant ma chère maîtresse, j’avais perdu ma protectrice : je me sentais plus complètement abandonné.

Qu’on me permette d’emprunter au petit volume que je publiai six ans après ma fuite[1], quelques détails sur le sort de grand’mère.

Faisant allusion aux événements dont je viens de parler : « Pas un esclave ne fut libéré ! écrivais-je : Tous, du plus vieux au plus jeune, restèrent asservis. Si, dans mes expériences, un fait a plus qu’un autre dénoncé l’infernal caractère de l’esclavage, accru dans mon âme l’inexprimable dégoût que m’inspirent les maîtres, c’est leur conduite à l’égard de grand’mère. Elle avait, de ses premières années à son grand âge, fidèlement servi le vieux Captain. Elle l’avait bercé tout enfant ; jeune, elle elle avait peuplé sa propriété d’esclaves ; quand il se débattait dans l’agonie, c’étaient ses pauvres mains, ses mains tremblantes, qui baignaient d’eau glacée les

  1. Narrative of Frederick Douglass.