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Le chérissant, le respectant comme je faisais, chaque instant de loisir me trouvait chez lui. Maître Hugues Auld s’en aperçut, m’interdit ces visites, et me menaça du fouet si je les renouvelais.

Mais le vieux oncle, le patriarche m’avait dit : — Dieu te réserve une grande œuvre ! — Cette œuvre : annoncer l’Évangile à mes frères, j’étais résolu d’y marcher. Pour cela, il fallait connaître les Écritures ; je ne pouvais arriver à les connaître, sans le secours d’oncle Lawson. Oh ! comme sa foi me réchauffait ; comme elle transforma en une soif intense de servir Dieu, d’être utile aux hommes, cette ardeur de savoir dont j’étais embrasé !

— Qui fera ces choses ? m’écriais-je : Que suis-je, moi, pauvre enfant, pour les accomplir ?

— Fie-toi en Dieu, répondait l’oncle.

— Esclave ! Esclave à vie, comment arriver ?

— Le Seigneur peut te faire libre. Toutes choses sont possibles à Dieu. Fie-toi, demande ! Demande en la foi, tu recevras.

Persuadé que mon existence, mon avenir, tout était sous l’escorte, sous la protection d’un plus sage que moi ; je pris bon courage, je travaillai, j’intercédai : suppliant Celui qui peut, de m’accorder, en sa miséricorde et en son temps, la délivrance de mes liens.


Un jour que sur le port, j’aidais les matelots irlandais d’un bâtiment à décharger, l’un d’eux venant à moi :

— Es-tu esclave ? me demanda-t-il.

— À vie.