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— Tous pécheurs ! grands et petits, noirs et blancs ! disait-il. Rebelles par nature et par volonté, nous n’avons qu’un parti à prendre : Nous repentir, aller au Père. Être réconciliés avec Lui, par le sang du Christ !

Je ne me rendais pas un compte exact de ce qu’il entendait ; mais je me sentais méchant, et sans savoir au juste comment m’y prendre, je désirais devenir bon.

Sur ces entrefaites, je me rapprochai d’un voisin nègre, oncle Lawson ; croyant, homme de prière, qui non-seulement ployait trois fois le jour ses genoux devant l’Éternel, mais qui partout, constamment, dans les rues, au travail, parlait à son Dieu. Je fus à lui ; je lui ouvris mon cœur.

— Supplie Jésus ! — me dit-il d’un accent plein de tendresse : Remets tes soucis à Dieu !

Je m’efforçai de le faire, et bien que misérable, assiégé de doutes, accablé durant des semaines ; mon fardeau s’allégea, je respirai mieux, le monde m’apparut sous un jour nouveau ; j’aimais. J’aimais Dieu, le Sauveur, l’humanité tout entière, sans en excepter les détenteurs d’esclaves ! Quant à l’esclavage, il restait abhorré.

Point de Bible à ma portée. J’en avais recueilli quelques feuillets épars, les uns déchirés, les autres souillés de taches ; je les avais soigneusement lavés ; ils m’adressaient des paroles de sagesse et de réconfort. Puis je me rendais en cachette, avec oncle Lawson, aux réunions de prière qu’il fréquentait. Ses yeux lisaient difficilement, je venais à son aide : je lui enseignais la lettre, il m’enseignait l’esprit.