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j’apprends à lire.


La réalité, je m’en aperçus bientôt, avait à Baltimore ses ombres, comme elle avait ses rayons.

Point de rase campagne, partout des murs ; en été, des pavés qui me brûlaient les pieds et les yeux. Le bruit des rues m’assourdissait, les objets inconnus me stupéfiaient, les gamins me poursuivaient de leurs cris. Mais, sitôt en présence de ma maîtresse, je recouvrais le bonheur.

D’un caractère égal, d’humeur facile et gaie, pas trace en elle de ce mépris pour les serviteurs, de cette violence, de ces caprices qui caractérisaient les dames propriétaires d’esclaves. Elle n’en avait jamais possédé, et devait à ce fait de conserver sa douceur.

L’esclavage changerait au besoin, un ange en démon.

Une sorte de familiarité s’était établie entre ma maîtresse et moi. Il ne s’agissait plus de tête basse, de respiration haletante. Qu’avais-je à redouter ? Mistress Sophie ne se montrait-elle pas maternelle ? Son sourire ne me disait-il pas : Relève ton front, enfant ! Regarde-moi bien en face ! — Tommy était son fils,