Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Mieux vaut être pendu en Angleterre, que mourir de belle mort en Irlande ! »

Le proverbe s’appliquait à Baltimore.

Baltimore ! Cousin Tom, de trois ans mon ainé, taciturne d’habitude — il bégayait horriblement — m’en rebattait les oreilles.

Garçon de cabine, sur le sloop du colonel que commandait Captain Auld, il avait visité plus d’une fois la ville fameuse. Il en revenait, revêtu du prestige d’un héros.

La Grande-Maison, avait-il l’audace de prétendre, la Grande-Maison, avec ses salles, son péristyle, sa colonnade, n’était rien, comparée aux splendeurs de Baltimore ! — Et il en avait rapporté une trompette ! Et il décrivait les étalages des magasins ; et il avait entendu l’orchestre militaire ; et il avait vu des soldats, et des bateaux à vapeur, et des navires, dans les flancs desquels disparaîtraient quatre sloops pareils à la Sally Lloyd !

Nous levâmes l’ancre, dès l’aube du samedi. Je jetai à la plantation un coup d’œil, que j’espérai bien être le dernier. Puis, je fus me poster à la proue, dévorant l’espace du regard. Canots, pêcheurs, bâtiments sous toile, immensité de l’horizon, tout me ravissait.

Le dôme de l’hôtel de ville, à Annapolis où nous stopâmes quelques heures, me sembla surpasser en ampleur, même la Grande-Maison. — Ainsi s’ouvrait devant moi l’univers ; ainsi je recueillais ses premiers enseignements.

Débarqué le long du quai Smith — Baltimore — Rich, un des hommes du sloop, me conduisit Alliciana-Street,