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La laiterie, une des plus belles du Maryland, fournissait le fromage savoureux, la crème épaisse, le beurre doré.

Un vaste jardin, sous les ordres de M. Mc Dernott, horticulteur en chef, produisait légumes et fruits de toutes les régions.

Derrière les hôtes assis dans la salle du banquet, se tenaient les esclaves, tantôt glissant agiles et sans bruit, tantôt immobiles comme des statues de marbre noir, éventail aux doigts, plateaux d’argent aux mains.

Ces esclaves-là, constituaient l’aristocratie de la servitude. Rien de commun avec les nègres des champs. Le teint avait des tons veloutés ; la chevelure obéissait mieux aux caprices du peigne ; les vêtements, empruntés à la toilette — quelque peu démodée — de madame ou de monsieur, conservaient je ne sais quelle élégance primitive.

Même profusion dans les écuries et les remises. Trois voitures officielles, splendides, flanquées de gigs, phaétons, barouches, braeck, et autres véhicules, avaient pour les traîner trente-cinq chevaux pur sang, que servaient des palefreniers dressés à tous les arcanes de l’art.

Le chenil contenait une meute, dont la prébende aurait réjoui le cœur d’un bataillon d’esclaves.

Considérée du point de vue de la Grande Maison — non de celui des champs, entendons-nous — l’hospitalité du colonel était royale. Quel hôte, convié à l’un de ces prodigieux festins, respirant ces parfums, les yeux éblouis de cet éclat, l’esprit charmé de cette bonne