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pris le parti de leur mère ; ils criblaient de cailloux et d’épithètes malsonnantes le surveillant hors de lui : — Laissez maman ! laissez-la ! — suppliaient les garçons, tout en menaçant du poing, tandis que le conducteur exaspéré vociférait : — Je vais te solder ton impudence envers un blanc !

Après un combat quelque temps incertain, M. Seveir atteignit l’arbre, y appliqua la malheureuse, et l’y fixa.

Coups de fouet, imprécations du tourmenteur, sanglots, hurlements des enfants se mêlaient en une diabolique symphonie. — Nellie fut détachée, sanglante, mais non soumise. Les furies du conducteur, l’impuissante colère des enfants, leur désespoir, faisaient l’horreur de la scène. Indomptable, Nellie continua de tenir tête à son bourreau.

Thèse générale, la faiblesse crée le despotisme. Les moins résistants, sont les plus maltraités. En fait, nos surveillants ne s’attaquaient pas volontiers aux résolus. Ceux-ci, après une première escarmouche — et leur mesure donnée — avaient moins que d’autres, à redouter les abus de pouvoir. Frappés plus fort, ils l’étaient moins souvent. Quiconque avait le courage de se redresser en face du supérieur ; légalement esclave, devenait virtuellement libre.

— Vous pouvez me tuer ! — disait un noir à Rigby Hopkins, son surveillant : — Mais vous ne me fouetterez pas ! — Il ne fut ni tué, ni fouetté.

M. Seveir n’essaya plus sa courbache sur Nellie. La mort, sans parler d’autres considérations, l’en empêcha. L’agonie de cet homme fut horrible ; il exhala le der-