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d’Afrique ; ils la jetteraient, à l’heure qu’il est, aux enfers du Sud américain. À l’heure qu’il est, le fouet du planteur sillonnerait de rouges sillons le dos des nègres, courbés sur les rizières. À l’heure qu’il est, Monsieur Douglass, sans ces hommes-là, les hommes qui prient ; on vendrait, on achèterait, on avilirait, on déchirerait, on assassinerait sur les marchés d’Amérique, dans les plantations d’Amérique, vos frères et vos sœurs, vos fils et vos filles ; comme on avilissait, comme on vendait, comme on torturait, comme on assassinait vos pères et vos mères, en ces jours où n’avait pas encore passé sur les consciences, le souffle du Christ, qui réveille les morts.

Pour nous, travailleurs aussi, transportés de joie à ces triomphes, la parole d’Aunt Mary, la vieille négresse de Savannah, nous revient dans le cœur.

Racontant l’entrée de Sherman à cette heure mémorable où, suivi de ses bataillons, il affranchit les noirs : « Nous savions qu’il viendrait, dit-elle ; nous le savions, parce que nous avions tant prié ! Oui, Sah[1], nous avons tellement tourmenté le Seigneur, qu’il a été obligé d’envoyer Massa Sherman[2]. »

  1. Sir (monsieur).
  2. Les Américains chez eux. — Bonhoure, 1866. — Pion, 1882.