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posaient un ardent désir d’en sortir, fouet levé, et ne se souciaient en aucune façon de risquer l’entrevue.

Vingt à trente fermes, chacune avec son surveillant, ordonnateur suprême, formaient la propriété du Colonel.

M. Lloyd était riche. Ses esclaves constituaient, à eux seuls, un énorme capital. Et, bien qu’il ne s’écoulât pas de mois sans que les acheteurs de Géorgie n’emmenassent quelque lot de marchandise ébène, le stock humain ne semblait pas diminuer.

Emmenés en Géorgie ! Ceux qui partaient, ceux qui restaient, pleuraient d’une même douleur l’horrible événement.


Tout esclave exerçant un métier quelconque, portait le titre d’oncle, sans que le moindre lien de parenté l’unit à ceux qui le lui donnaient. Quelque invraisemblable, quelque puérile que puisse paraître la chose en un peuple si durement traité, si constamment abaissé, aux prises avec de telles vicissitudes, vous ne trouverez chez nul autre, pareille vénération pour le grand âge. Nulle race ne vous fournira, comme la race africaine, de quoi faire ce qu’on appelle : un gentilhomme.

Parmi les notabilités noires, oncle Isaac Cooper occupait un des premiers rangs. — Jamais l’esclave ne porte de surnom ; le surnom reste privilége exclusif des blancs. Toutefois, oncle Isaac, en vertu de je ne sais quelle faveur, possédait le sien : on l’appelait docteur Isaac. Ses degrés, conférés par l’opinion publique, lui donnaient le droit de médicamenter la plantation. Une