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tandis que, dominant l’ensemble, trônant au milieu des cuisines, laiteries, buanderies, basses-cours, pigeonniers, volières, pavillons, serres et tonnelles, mes yeux émerveillés contemplaient le plus majestueux édifice qu’eussent imaginé mes rêves : la Grande Maison !

Des arbres gigantesques, des vergers combles de fruit, de gracieux bosquets achevaient l’enchantement.

Ce palais, demeure du colonel, était en bois. Ses pavillons projetés de trois côtés, son vaste portique à colonnade, lui prêtaient je ne sais quoi de royal.

Tant de beauté, tant de magnificence, pouvaient-elles bien exister ici-bas !

On y arrivait par une route pavée de cailloux blancs, qui serpentait parmi les gazons admirablement tenus. Sur la droite et sur la gauche se dilatait le parc, immense, où daims et lièvres gambadaient, sans que nul vint les molester, pendant que perchés au sommet des peupliers, se balançaient les merles, battant de leurs ailes rouges, chantant et gazouillant à l’envi.

Non loin de la Grande Maison, une enceinte de sombre apparence renfermait les sépulcres des Lloyd défunts. Monuments, saules pleureurs, noirs cyprès inspiraient une terreur vague. D’étranges apparitions, avaient rencontré quiconque se hasardait en ces parages. Spectres drapés dans leur suaire, cavaliers montés sur des chevaux pâles, boules de feu se promenant par les airs, voix lugubres entendues après minuit ; il n’en fallait pas plus pour tenir les curieux à l’écart. — Ajoutons que les nègres, assez forts théologiens pour envoyer conducteurs et surveillants en enfer, leur sup-