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Ni questions politiques, ni questions religieuses ne franchissaient le mur d’enceinte. Sermonner les maîtres ! Quel prédicateur l’eût osé ? Et quant aux noirs, trop bas était le niveau, trop profonde l’ignorance, pour qu’on essayât même de les décrasser.

Et cependant, quelques lueurs d’Évangile traversaient notre nuit.


Souillée de corruptions, ensanglantée de crimes, la plantation s’épanouissait au soleil, dans toutes les gloires d’une végétation splendide, dans le joyeux rayonnement d’une incessante activité.

Malgré les regrets que me laissaient grand’mère et mon home, je m’acclimatai vite. Nécessité fait vertu. Impossible de fuir. Il ne me restait donc qu’un parti à prendre : accepter mon sort.

Les camarades ne manquaient pas, non plus les aspects nouveaux.

Là, je vis pour la première fois, un moulin à vent découper dans l’azur ses grandes ailes blanches que faisait tourner la brise. Là, sur les eaux de la Swash, posait le sloop du colonel : Sally Lloyd, ainsi nommé en l’honneur de sa fille favorite. Sur le sentier, brillait la maison rouge de M. Seveir, un surveillant ; plus loin, s’étendait le quartier long, construction au toit surbaissé, fourmillant d’esclaves de tout âge, sexe, taille et couleur. Un bâtiment analogue, même population, couronnait la hauteur voisine. Huttes, cabanes, granges, écuries, magasins, ateliers, éparpillés çà et là, entouraient l’habitation du Vieux Maître, Captain Anthony ;