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Richmond investi, l’armée de Virginie serrée aux poings de Grant ; Sherman laissant derrière lui, après sa magnifique poussée du fleuve à l’Océan, les deux tronçons de la révolte se tordre dans les dernières convulsions de l’agonie ; tout présageait la paix.

Vivant, on avait tantôt blâmé, tantôt acclamé Lincoln ; assassiné, on reconnut le héros. Chacun s’inclina.


L’homme — je l’ai vu dans l’intimité — sérieux, puissant, étreignait son œuvre de toute l’intensité de sa pensée, de toute l’énergie de sa volonté, de toutes les ténacités de sa foi. L’expression du visage, présentait un mélange de souffrance patiemment endurée, de combats héroïquement soutenus. Simple et fort, il avait aux yeux la tendresse d’une mère ; au front, le sceau qui fait de l’homme un roi.

Tandis que j’écris ces lignes, écrasé par la douleur du double assassinat qui, deux fois, a tué les plus nobles soutiens de la République ; mes yeux contemplent, suspendu devant moi, le portrait de Lincoln, œuvre géniale de Marshal.

Un morceau de plomb, quelques grains de poudre : tout s’est évanoui[1].

  1. Mais tout vit là-haut. — Trad.