Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

III

chagrins d’enfant.


Transplanté sur cette partie de la plantation que gouvernait plus spécialement Captain Aaron Anthony, incorporé dans le bataillon enfantin qui m’avait accueilli, le jour néfaste entre tous, je passai sous les ordres de tante Katy.

Elle exerçait sur nous autorité plénière. Esclave elle-même, stricte observatrice des règlements ; revêche, cruelle par nature, recherchant avant tout les bonnes grâces du Vieux Maître — dont, en sa qualité de cordon bleu, elle avait conquis les faveurs — tante Katy trouvait, dans la haute position qu’elle occupait, amples occasions d’exercer sa méchanceté.

Seule entre toutes, elle conservait ses enfants ; elle ne les épargnait guère ; en revanche, leurs portions s’enflaient à nos dépens.

La faim me travaillait de l’aube au soir. Captain Anthony, directeur suprême, au lieu d’allouer une quantité déterminée de nourriture à chacun, livrait les denrées à tante Katy, qui, la cuisson opérée, les distribuait selon son bon plaisir.