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II

séparé de grand’mère.


Étais-je esclave ? Je ne m’en doutais pas.

Enveloppé des tendresses de grand’mère, j’appris bien des choses, avant d’apprendre celle-là.

Notre cabane avait pour moi les beautés d’un palais. Au premier étage, son plancher de bois, qui nous servait de couchette ; sa terre battue au plain-pied ; sa poussière, son toit de chaume, ses parois sans fenêtres ; et ce miracle de menuiserie, l’échelle qui montait au dortoir ; et le trou creusé devant l’âtre, ce trou dans lequel grand’mère, l’automne venue, enfouissait les patates pour les préserver de la gelée, tout m’intéressait, tout me ravissait. Les écureuils ne grimpaient-ils pas aux troncs, ne grignotaient-ils pas leurs noix sur les branches ? Le puits n’avait-il point son grand balancier, pointé vers le ciel, si délicatement suspendu que, d’une main, je faisais remonter le seau plein d’eau vive ? Et le moulin de M. Lee, avec sa gigantesque roue ; et les charrettes combles de blé qui du matin au soir en prenaient le chemin !

J’étais heureux, vous pouvez m’en croire.