I
l’évasion.
Je n’ai pas d’actes héroïques à raconter. Mon entreprise voulait du courage, de la résolution sans doute, avant tout du sang-froid.
Les hommes de couleur indépendants étaient tenus d’avoir, dans le Maryland, ce qu’on appelait un free paper (certificat de liberté). — Le certificat devait se renouveler souvent, moyennant finance encaissée par l’État. Nom, âge, stature, visage, teinte exacte de la peau, scrupuleusement consignés, servaient à l’identification du porteur.
La précaution ne menait pas à grand’chose : plus d’un noir s’évadait, grâce précisément aux fameux certificats. — Voici comment s’opérait l’affaire. L’esclave empruntait le free paper de quelque affranchi, dont le signalement répondait à ses propres traits ; armé de la pièce, il prenait le chemin du Nord, et parvenu en terre d’indépendance, renvoyait le certificat à qui de droit.
L’opération néanmoins, pour simple qu’elle semble, présentait plus d’un danger. Le prêteur et l’emprunteur y risquaient tout : égaré ou saisi, le certificat