moi. Hélas ! celui-là, nous l’avions vu garrotté, chargé sur une charrette comme un animal de boucherie, conduit à Easton, pour y être vendu, et mené dans le Sud !
Le repas fut bientôt prêt. — J’ai diné, par delà l’Océan, avec des honorables, des aldermen, des lords mayors ; mais mon souper de galette — pain de cendres — avec Sandy, avec sa brave femme, est le plus beau festin auquel j’aie assisté de ma vie.
Le souper mangé, restait ma position. Sandy l’étudia sérieusement.
— Tu ne peux fuir ! dit-il. Notre langue de terre a la baie Chesapeake d’un côté, la rivière Pot-Pie de l’autre. Saint-Michel occupe le talon du promontoire, seul chemin ouvert derrière toi ! Tu serais traqué, repris, perdu. Retourne chez Covey !
Sandy, africain pur sang, était, par droit de naissance, en possession de je ne sais quel pouvoir magique, familier aux peuples orientaux.
— Retourne chez Covey ! répéta-t-il. Ne crains rien. Je sais une racine qui te protégera contre lui. Avec cette herbe, portée sur le flanc droit, jamais ni Covey ni pas un blanc ne te frappera. C’est expérience faite. Depuis des années que je m’en sers, je n’ai pas reçu un coup !
Cette histoire de racine miraculeuse, me paraissait absurde et ridicule, pour ne pas dire impie. Appliquer à mon côté droit, pour me garantir du bâton, une racine que foulaient sans cesse mes pieds dans la forêt !… Je rejetai l’idée. Les devins, sorciers, magiciens m’étaient en positive aversion. Toutes les lumières, toutes