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de l’adoption du français

projets, que l’on pourrait ranger sous la rubrique de systèmes philosophiques, étaient basés sur l’idée séduisante de classer d’abord toutes les notions du savoir humain dans un ordre logique et de tirer de cette classification même les radicaux nécessaires pour constituer le vocabulaire. Ainsi Dalgarno proposa le système décimal pour cette classification et traduisait les chiffres en lettres d’après une clef choisie une fois pour toutes.

Les langues artificielles arbitraires : le volapuk. — Insensiblement les inventeurs se rendirent cependant compte des inconvénients provenant du classement des connaissances en catégories et ils en arrivèrent à forger de toutes pièces les mots de leur vocabulaire. L’effort de mémoire nécessaire pour apprendre une telle langue était toujours considérable. On s’explique donc l’échec des projets basés sur le choix arbitraire des radicaux.

Mgr Schleyer, prélat romain et polyglotte remarquable, inventa le volapuk en tirant ses radicaux de diverses langues et principalement de l’anglais. Ces radicaux pris au hasard et dénaturés ne rappelaient souvent plus rien du mot primitif, connu d’ailleurs seulement de ceux parlant la langue à laquelle il était emprunté. Mgr Schleyer, qui s’était inspiré des mobiles philanthropiques les plus élevés, considérait son invention comme une grande œuvre de paix et il eut un moment l’illusion d’avoir vraiment réalisé l’union des peuples en la basant sur la question des langues. En effet, paru en 1880, le volapuk se répandit d’abord dans l’Allemagne du Sud, puis en France vers 1885 et de là dans tous les pays civilisés des deux continents. Le Comité français comprenait des notabilités de toutes espèces. Il se donnait simultanément à Paris 14 cours. De grands magasins, tels que ceux du Printemps, en organisaient pour leur personnel. En un mot, le volapuk fit des progrès rapides et eut un succès inouï. En 1889, il y avait 283 clubs volapukistes dans le monde et l’on évaluait à 1 million le nombre total d’adhérents. Le nombre des ouvrages spéciaux était de 316, dont 182 parus en 1888. On comptait aussi 25 journaux volapukistes et au 3e congrès, qui se tint à Paris en 1889, l’on s’entretint exclusivement en volapuk. Le triomphe universel et définitif de cette langue semblait donc établi, et cependant son déclin fut plus rapide encore que ses progrès. Il serait trop long d’établir les diverses raisons qui amenèrent son abandon quasi total. Nous nous contenterons d’indiquer parmi ces raisons la trop grande richesse que Mgr Schleyer avait donnée à sa langue. On vantait par