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de l’adoption du français

millions de Français par l’adoption de leur langue ne serait-elle pas d’ailleurs largement compensée par l’avantage qui en résulterait pour d’innombrables étrangers de ne plus devoir s’attarder à l’étude d’une dizaine de langues ? Il y a de grandes probabilités pour que l’adoption du français comme langue auxiliaire profite, par exemple, plus largement à l’exportation allemande qu’à l’exportation francaise, sur les marchés du monde. En réalité, la langue française cesserait simplement d’être l’apanage exclusif de la France. Elle deviendrait une propriété internationale et son extension profiterait à l’ensemble des nations au même titre, par exemple, que le système métrique.

Chances des autres langues vivantes. — Le désir secret qu’auraient d’autres nations de faire adopter leur propre langue pourrait, semble-t-il, les inciter à s’opposer à l’adoption du français. Il est certain que c’est le français qui a le plus de chances d’aboutir, et son échec signifierait plutôt le rejet des autres langues également. Quant à l’espoir de voir une des autres langues s’imposer d’elle-même par son expansion naturelle, il est chimérique. En effet, la persistance de l’emploi de certaines langues telles que le polonais, malgré une pression officielle considérable, montre la vanité des efforts faits pour la suppression rapide de langues bien constituées, D’ailleurs, le courant des idées mène à la suppression des tyrannies linguistiques. Quant à l’expansion des langues par l’émigration des nationaux, le développement de l’anglais aux États-Unis (bien que les émigrants n’y furent pas tous Anglais) est certes encourageant, mais celui du français au Canada et du hollandais en Afrique du Sud ne l’est guère. D’autre part, il n’est pas absolument certain que c’est une majorité qui sera appelée à décider du choix de la langue universelle de l’avenir. L’éminent sociologue russe Novicow (« La langue auxiliaire du groupe de civilisation européen et les chances du français », Revue des Deux Mondes, du 1er décembre 1907) démontre au contraire, par l’exemple de l’allemand littéraire et de l’italien, véritables langues auxiliaires empruntées à de petits États, la Saxe et la Toscane, que ce sont les minorités cultivées qui décident de ce choix.

La formation spontanée d’une langue universelle exigerait des siècles. — Disons plutôt que, branches d’une même famille, les diverses langues européennes sont destinées à se compénétrer de plus en plus, grâce aux facilités croissantes des communications. De même que divers dialectes d’une même contrée ont fini par donner nais-