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de l’adoption du français

joué un grand rôle ; plus tard, les expéditions normandes, le prestige de Louis XIV et les succès militaires de Napoléon. La splendeur sans pareille de la littérature française aux xviie et xviiie siècles, la séduction mondaine et humanitaire des écrivains français du xviiie siècle, l’attrait permanent exercé par Paris n’influèrent pas moins pour faire adopter le français par la haute société européenne. Vers 1770, celle-ci parlait exclusivement le français partout. Aujourd’hui, le développement de l’esprit nationaliste a diminué quelque peu à l’étranger ce goût de la culture française qui faisait dire qu’on avait deux patries : la sienne et la France. L’attrait exercé par cette dernière est cependant encore vivace.

Les langues nationales ne seraient pas lésées par la langue auxiliaire. — Un des premiers motifs de crainte des divers pays pourrait être qu’une fois adoptée par les différentes nations la langue française n’arrive à s’imposer au point de faire passer les langues nationales au second plan et même de les supplanter complètement. Dans la pensée de certains, l’emploi d’une langue a des contre-coups politiques et sociaux ; adopter le français, c’est subir une sorte d’annexion morale. Or, si l’abandon du grand nombre actuel de langues au profit d’une seule ne pourrait être qu’avantageux pour tout le monde, il n’en est pas moins puéril de craindre qu’on puisse, par l’adoption d’une seconde langue, diminuer la valeur de ce puissant outil qu’a été le nationalisme linguistique pour la constitution et la défense des nationalités. Rien de semblable n’est plus à redouter. Les langues modernes sont arrivées aujourd’hui à un stade de développement tel qu’elles ne sauraient souffrir du contact du français employé seulement pour les relations extérieures. Rappelons-nous que la langue grecque, bien constituée, résista et se répandit en Orient pendant la domination romaine. Chacun conservant sa langue maternelle, les relations, à l’intérieur des États, ne seraient aucunement modifiées au point de vue linguistique. Les gouvernements auraient d’ailleurs toute liberté de prendre les mesures de défense qu’ils jugeraient utiles.

Les Français ne tireraient pas d’avantages spéciaux de l’adoption de leur langue. — La crainte que l’emploi international de leur langue ne procure aux Français des avantages spéciaux n’est pas plus sérieuse à l’examen. En effet, l’emploi exclusif du français par la diplomatie n’a pas, que l’on sache, fait attribuer jusqu’à présent de part plus grande à la France, dans les traités. La facilité procurée à quarante