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dix francs le cocher eût mis ses bêtes au grand trot ; pour dix louis il voulut atteindre le galop, et cette ambition insensée le perdit.

D’abord il écrasa çà et là quelque chien distrait ; puis il mit dans le ruisseau l’éventaire d’un marchand ambulant ; puis, enfin, son attelage prit un train si désordonné qu’une double clameur s’éleva des trottoirs de la rue Richelieu.

Le cocher frappa plus fort. Ses chevaux prirent le mors aux gencives parce qu’ils n’avaient plus de dents. Armand put se croire au moment d’atteindre le fiacre de Robertine.

Mais tel ne fut point le dénoûment de cette course si fougueusement commencée. Les deux rosses s’abattirent auprès de la salle Montansier.

Armand sauta hors du fiacre en maudissant son étoile. Autre histoire : le cocher le saisit au collet et l’accusa d’avoir tué ses chevaux, le gagne-pain de sa nombreuse famille ! Les badauds s’ameutèrent. Le cocher, qui avait commencé par parler de ses trois petits enfants, monta graduellement jusqu’à la douzaine. Les badauds avaient les larmes aux yeux : et Armand qui avait donné sa bourse à Larigo !…

Nous ne savons si le lecteur s’apitoiera sur le sort de ce pauvre baron, mais, réellement, il était bien à plaindre. Les tendres badauds,