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La prétendue Robertine avait dépassé le carrefour Gaillon et venait de prendre la rue Neuve Saint-Roch. Là, il n’y avait plus ce luxe de réverbères des environs du boulevard. La voie étroite et roulant à son milieu les flots noirs de son ruisseau fangeux restait à peu de chose près dans une obscurité complète. Les boutiques, pauvres et mal éclairées, n’envoyaient au dehors que d’impuissants rayons. De loin en loin seulement, le baron pouvait apercevoir la forme gracieuse de Robertine, ou du fantôme de Robertine, qui passait rapidement sous une lanterne, dont la mèche fumeuse, aidée par l’appareil oxydé du réflecteur, laissait tomber sur le pavé un carré vacillant de douteuse lumière.

Armand perdait haleine à la suivre ; son émotion l’écrasait. À chaque instant, il étanchait, avec son mouchoir trempé d’eau, la sueur qui coulait de ses tempes.

Combien de fois, de l’hôtel d’Osser à la rue Saint-Roch, n’eut-il pas le désir de doubler le pas pour saisir Robertine et jouir de sa honte ! Combien de fois ne songea-t-il pas à lui barrer la route, à se mettre entre elle et le précipice, à lui offrir un refuge dans le pardon !…

Mais quand lui venait cette bonne pensée de clémence, il entendait comme un éclat de rire railleur résonner au dedans de sa conscience. Il entendait bourdonner autour